remise du prix 6ème édition 2022
Samedi 14 Octobre 2022 À Venise – “Université Internationale de Venise”
« Seigneurs, Empereurs et Rois, Ducs et Marquis, Comtes, Chevaliers et Bourgeois et vous tous qui voulez connaître les
différentes races des hommes, la variété des diverses régions du monde, et être informés de leurs us et coutumes, prenez donc ce livre et faites-le lire »
Préambule « Devisement du monde » Marco Polo
Quand l’histoire s’invite au présent et nous offre la richesse de notre Culture et de notre Civilisation.
Sur cette invitation, nous avons célébré cette nouvelle édition de notre prix qui récompense l’écrivain et le traducteur d’un roman italien traduit en langue française.
Cette édition ouvre une nouvelle période avec de nouveaux projets autour de lui.
Ces mots de Marco Polo sont toujours aussi présents, aussi vivants, et de nous ont permis à nouveau de nous retrouver à Venise, notre écrin, notre espace de liberté, afin de partager notre engagement d’accompagner cette mémoire, de marcher sur ses pas.
Car suivre la route de la soie, la route des langues, la route de l’histoire… c’est suivre la route de la connaissance de toutes les disciplines littéraires, spirituelles, philosophiques qui nous rappellent combien ces textes fondateurs de l’humanité, ces manuscrits relient le passé et le présent, répondent à notre soif qui anime notre désir de suivre le mouvement de la vie et ainsi lui donner sens.
Nous avons rappelé que cet héritage humaniste ne peut être transmis, connu que grâce à la traduction qui ouvre les chemins de toutes les sagesses, en allant au-delà des frontières. Et oh combien, cette connaissance devient précieuse à notre époque !






Lettres écrites par Louise Boudonnat, la lauréate traductrice :
Chers amis vénitiens,
Je ne peux être avec vous aujourd’hui dans la ville aquatique onirique, la ville tous horizons, et j’en suis désolée. La vie a décidé que mon père me quitterait cette semaine…
La vie et son déterminisme laissent peu de place, ou plutôt si, il y a ces minuscules plages à trouver, où inventer d’éphémères instants de beauté… l’énergie et les pirouettes pour aller plus loin, et tout cela est finalement assez proche d’un récit lodolien. Oui, Marco, c’est bien ça, ainsi que tu l’as si bien écrit, c’est toujours la même vie racontée sur un mode
différent, et au final toutes les histoires se valent, car c’est une seule et même histoire, celle du temps qui s’enfuit.
Mais les moments sont beaux, très.
J’ai raconté des dizaines de fois comment Lodoli (les textes) m’étaient tombés dessus depuis une étagère après une journée babélienne dans une bibliothèque allemande à Rome. Ce jour-là, j’ai basculé dans une œuvre subtile immense. Il me fallait faire vibrer en français ce chamarré fil-funambule qui n’en finissait plus de s’étirer d’un livre à
l’autre, ce sacré cirque de la vie que nous offraient les récits de Lodoli.
Une « interprète » a ses compositeurs fétiches dont elle fait entendre les notes. Lodoli, c’est la musique que je « suis ». Je lis, je relis, une fois, vingt fois, doucement ça respire, et puis il suffit de jouer. On danse, on pianote, on déploie d’une langue à l’autre une musique singulière avec son propre toucher. On cherche un souffle, un rythme familier,
l’amplitude dans le phrasé : une respiration au-delà des mots. On répète inlassablement l’ouverture et cela devient une connaissance intime.
C’est tout ce qu’il a savoir ; et cela prend du temps.
Traduire, c’est du vivant, un réel fragile toujours recommencé qui tente de faire coïncider certains cercles. Il me plaît de faire sonner les lignes. J’attends rarement qu’un texte me soit proposé, j’aime aller chercher les auteurs, tresser des affinités avec des éditeurs, certains sont des amis précieux : voir ce que qui peut justement coïncider « en
société ».
Avec Les Prières, Lodoli a mis un point à un cycle commencé en 1989, douze romans réunis en quatre trilogies. Ce n’est pas rien, eh oui. P.O.L a accueilli le funambule, un récit, un autre, trois récits, une trilogie, et puis ça repartait à l’infini. Il y avait les rencontres pétillantes, les petites places de Rome, la fuite de l’auteur en scooter au printemps, à l’automne (jamais en été), en hiver, et un éditeur écoutait patiemment à Paris le bruissement des pages italiennes.
Pourquoi je « re-raconte » tout ça, parce que tout est dans tout bien sûr, parce que ces livres sont surtout une aventure d’être(s), des existences qui passent et des pages qui durent, peut-être.
Merci à tous, merci d’avoir été sensibles à cette œuvre conséquente qui donne un sens au cours du temps, à la vie.
Belles déambulations, en tout justement,
Louise
Chère Christine,
Merci pour tes mots pétillants et bienfaisants ce matin, cette vivacité qui porte plus loin et suscite la rencontre.
Je suis heureuse que vous ayez pu faire éclore une nouvelle édition du Prix Marco Polo, cet entrelacs de pages et de
passages – en effet, quoi de mieux que Venise et ses ponts, où tout est relié au-dessus des profondeurs.
Ce fut une étrange coïncidence ce vendredi 14 octobre.
Pourquoi soudain ce trop d’absence, si douloureux ? cette avalanche de manques.
On appelle cela la fatalité – l’Italie en a fait une compagne intime – et, dans son chaos, l’on doit trouver toute la vitalité du «
tenir », d’ «être » malgré les déchirures.
Je crois aux zigzags et j’aime les ricochets, car il est possible que tout s’ouvre et rebondisse ailleurs. Qui sait, au printemps…
Je te remercie chaleureusement.
Que tout soit doux à l’instant,
Louise